Abritant de discrets protecteurs et d'aimables profiteurs
Isabela, comme les autres îles de l’archipel[1], fût pour les Espagnols découverte par hasard en 1535, quand l’embarcation de l’évêque de Panama se rendant au Pérou dévia de sa route ! A l’époque de leur exploration, les îles étaient inhabitées et aucune localité n’y fût établie par les Espagnols. C’est au cours des XVIIe et XVIIIe siècles qu’elles devinrent un lieu d’ancrage et de ravitaillement (en eau douce, produits de la pêche et viande de tortue) pour les pirates et les boucaniers. Une baie d’Isabela, particulièrement bien protégée, porte encore aujourd’hui le nom de « crique des pirates ».
Au XIXe siècle ce sont des navires anglais et nord-américains, ainsi que des baleiniers, qui accostent souvent dans ces îles. C’est en 1832 que l’archipel devient officiellement une partie du territoire de l’Equateur. Un siècle plus tard, quatre des seules îles habitées n’étaient encore occupées que par un millier de colons (pêcheur et/ou paysan).
[1] « Islas de los Galápagos » signifiait historiquement « îles des tortues de mer” dont la carapace est comparée à la selle d’un cheval ; galoper a la même étymologie que « galápago »
Carmen Angermeyer offre un témoignage saisissant de la vie de colons de cette époque[1]. Arrivée d’Europe en 1934, à l’âge de six ans, avec ses parents franco-allemands qui pressentaient une nouvelle guerre et recherchaient un lieu de vie pacifique, elle a passé tout le reste de sa vie sur l’île de Santa Cruz. A leur arrivée, une douzaine de maisonnettes étaient établies autour d’une baie. L’éducation scolaire de la fillette fut assumée par sa mère. Les premiers mois furent difficiles.
Pour s’alimenter il y avait la pêche, la chasse aux cochons sauvages et le petit élevage. Puis il y eut l’acquisition d’un terrain fertile en colline pour cultiver légumes et fruits (avocatier, papayer, agrumes, bananier) et des parcelles de maïs, manioc, patate douce et melons et installer en trois ans une petite ferme productive -granja-. Chaque nouvel arrivant avait le droit de choisir, avec l’accord des voisins, un terrain à défricher de 20 hectares, ainsi qu’un emplacement inoccupé sur le rivage pour y construire sa maisonnette.
Carmen Angermeyer s’est mariée sur place, a eu trois enfants dont elle a pris en charge l’éducation scolaire vu l’absence d’établissement de formation. Elle écrit que jamais ses parents n’ont regretté leur décision et qu’elle considère avoir eu une vie très heureuse, en contact étroit avec la nature.
[1] Pete Oxford & Renée Bish, Ecuador, ed. Dinediciones, p. 159 “Mi vida en Galápagos” por C. Angermeyer

Le dimanche à la plage de Puerto Villamil (2014)
En 70 ans Isabela, pour sa part, a subi un faible accroissement démographique et reste peu peuplée (elle a passé de 300 personnes en 1950 à 850 en 1990 et 2'500 en 2020), avec une densité extrêmement basse, compte tenu de sa vaste superficie (4'600 km2).
En 2020, on peut estimer la population d’agriculteurs et d’éleveurs établis sur les flancs du volcan Sierra Negra, concentrés pour la plupart dans le hameau de Santo Tomas, à quelque 350 personnes rurales, alors que les habitants en zone urbaine de Puerto Villamil s’élèvent à 2'150.
Ces derniers sont principalement actifs dans le tourisme (agents du Parc national, de bureaux et services privés de transport, guides et location de matériel de plongée), dans l’artisanat de la construction, le commerce, la restauration et la petite hôtellerie, dans la fonction publique (sûreté, santé, éducation de base) et dans la recherche (Fondation Darwin).
Mon souhait le plus grand : que Isabela, lieu incomparable d’émerveillement, conserve son admirable biodiversité, sa pudeur et sa discrète hospitalité.
La situation a passablement changé. Selon l’Institut national de Statistiques (INEC), le territoire des Galápagos recensait 33'000 habitants en 2020, soit 25 fois plus qu’en 1950, dont une bonne moitié concentrés sur l’île de Santa Cruz, devenu le pôle de transit touristique. C’est dans la période 1990-2000 que la population des 4 îles habitées a doublé, par l’immigration d’Equatoriens du continent et l’explosion des multiples services de tourisme organisé.
Pour l’année 2019, 270'000 visiteurs, dont 67% d’étrangers, ont été enregistrés par le Parc National, régime officiel sous lequel se trouvent les Galapagos depuis 1959. La presque totalité des touristes arrivés en avion sur l’unique aéroport international souscrivent un tour de plusieurs sites et îles en bateau de croisière.
Le nombre de bateaux de croisière autorisés fait l’objet d’un constant et conflictuel débat national. L’UNESCO a déclaré les îles en tant que « Patrimoine national de l’humanité » déjà en 1978 et six ans plus tard comme « Réserve de la biosphère » ce qui a fortement accentué l’intérêt international pour l’archipel, considéré comme l’une des réserves écologiques majeures de la planète.

Retour de touristes déposés pour la journée d’un bateau de croisière à Puerto Villamil– 2014

l’aéroport de Villamil – 2014. Sa simplicité contribue à la conservation de l’île.
Sources
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Photos prises au cours de 4 séjours entre 2014 et 2018
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Pierre Constant – Archipel des Galapagos – 300p. - éd. 1994
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Wikipedia – Historia de las islas Galápagos
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INEC – Gente en Galapagos - 2000
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L. Coloma & S. Ron – Ecuador megadiverso – Pontifica Universidad católica Ecuador – 2001
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Guía de Parques Nacionales del Ecuador – INEFAN – Quito, 1998
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P. Oxford & R. Bish – Ecuador – Dinediciones – 2008

